Im März zeigte Guillaume Désanges im Programm « Kitchen cinema », Hollywood vs Youtube Auszüge aus
W O T Ø R W O E R L D
Veranstalter waren Les Laboratoires d´Aubervilliers bei Paris
www.leslaboratoires.org
Übersetzung eines Abschnittes des Katalogtextes, darunter das französische Original
und die Programmzusammenstellung.
« Kitchen cinema », Hollywood vs Youtube
Une proposition de Guillaume Désanges
Mit einem scheinbar parodistischeren Anspruch hat das Kollektiv Dein Klub in dessen Räumlichkeit innerhalb von fünf Jahren eine genial gebastelte Adaption von Kevin Costners /Waterworld/ verwirklicht. Dazu wurden regelmäßig Künstler miteinbezogen, um einzelne Szenen zu drehen. Die spezielle Wahl dieses Films ist im performativen Sinne eine an und für sich künstlerische Entscheidung gewesen. Seinerzeit war /Waterworld/ emblematisch für den in Hollywood gepflegten Wettstreit um den technisch avanciertesten und kostspieligsten Film im Rennen um die Marktanteile. Es war der teuerste Film seiner Zeit, ein Rekord der gerechtfertigt wurde mit der Bedeutsamkeit seiner ökologischen Botschaft, die es einem möglichst großen Publikum nahe zu bringen galt. Eigentlich wirkt die von Dein Klub vorgestellte Version des Films auch nicht besonders parodistisch, sondern stellt ein instabileren Gegenentwurf dar, ein chaotisches aber spannendes Abziehbild des Originals. Mit dem gleichen Ernst und Beharrlichkeit hergestellt wie das Original und mit dem gleichen erfinderischen Geist gerüstet, um die schwierigen Fragen der Bildwirkung zu lösen, wirkt das Ergebnis nicht mehr und nicht weniger gelungen als das Original. Darin bestätigt sich die Arbeitshypothese von Dein Klub: die langweiligen Szenen sind es im Original nicht minder, die Action ist ebenso mitreißend, und die romantischen ebenso berührend. Der Unterschied? Circa 200 Millionen Dollar. Das deutsche Team stellt dem finanziellen Flop des Originals eine wahre Meisterschaft ökologischen Denkens in der Bilanzierung der Arbeit gegenüber, womit Costner auf dem Terrain seines eigenen politischen Anspruchs geschlagen wird.
Aujourd’hui un certain nombre de films utilisent principalement la vidéo,
non pas essentiellement dans un but de maniabilité et de souplesse d’utilisation
(ou dans une logique purement expérimentale), mais plutôt comme
l'outil contemporain le mieux approprié pour se confronter à certains
standards de la narration cinématographique au sein d’un univers
quotidien immédiat, voire domestique. Cinéma de cuisine, "Kitchen
cinéma", soit : des films d’appartements, parfois bricolés,
tournés avec des moyens limités mais des ambitions narratives
assumées, et dont l’ingéniosité et l’énergie
remplacent souvent la débauche technique, financière, logistique
et humaine des tournages traditionnels. Ces pratiques, répandues par
le développement de technologies de production et post-production facilement
appropriables, renouent paradoxalement avec un certain esprit des pionniers
du cinéma. Une économie de travail pragmatique, autonome et responsable,
directement en phase avec de nouveaux moyens de diffusion (projections vidéo,
DVD, Internet, etc.). Ces films reposent sur une croyance en l’efficacité
d’une grammaire cinématographique plus ou moins classique appliquée
à l’image vidéo, avec une extraordinaire liberté,
une intelligence pratique souvent teintée d’humour, et une précision
technique bannissant toute désinvolture dans l'utilisation du médium.
Il est intéressant de noter que cette rappropriation d'une grammaire
cinématographique via des outils quotidiens est souvent le fait de praticiens
issus du champ des arts plastiques. La familiarité de ceux-ci avec une
certaine économie "pauvre" de travail est certainement essentielle
à ce phénomène. mais plus profondément, peut-être,
le principe même du film de cuisine a quelque chose de foncièrement
plastique, notamment dans les enjeux d'une histoire récente des arts
visuels : à la fois sculptural (rappropriation et transformation de matériaux
existant, exploitation de l'espace) et performatif (expressivité du geste
simple, mouvement des corps sans artifices). Le mot corps étant entendu
ici dans son sens purement physique, c'est-à-dire aussi bien corps organiques
que matériels. On pense ici au fameux "Der Lauf der Dinge"
(Le cours des choses), du tandem suisse Fischli & Weiss. Soit, la mise en
scène improbable d'objets sans qualités, immédiats (échelles,
bouteilles, tasseaux de bois, ballons, pneus; etc.) telles qu'ils peuvent traîner
dans n'importe quelle remise ou garage, mais dans le but de raconter une véritable
épopée quincaillière. Sous ses apparences de gag, cette
suite jubilatoire d’événements catastrophes se déclenchant
mutuellement comme des dominos qui tombent, revisite dans sa longueur, et de
manière abstraite, certains motifs essentiels du cinéma populaire
: suspens, héroïsme, fatalité, violence, tendresse.
Ce type de pratiques très domestiques ne sont certes pas nouvelles dans
le cinéma, et concernent des esthétiques extrêmement variées
(voir le David Lynch de Eraserhead, le western de Luc Moullet, mais aussi le
cinéma de Merejkovski, Cavalier, et beaucoup d'autres). Mais l'intérêt
particulier et le souffle que peuvent prendre ces pratiques aujourd'hui tient
possiblement au fait que cette économie de production est maintenant
directement compatible avec une maturité "rétinienne"
du public concernant l'image vidéo, ainsi que sa pratique de nouveaux
modes diffusion (DVD, Internet). Ainsi, la réaction de censure immédiate
de la Paramount concernant le remake d'un film d'Oliver Stone par Chris Moukarbel
(étudiant dans une école d'art) peut être analysée
moins comme la défense d'une originalité du film de Stone mise
en péril que par le fait que le dépôt du film de 12 minutes
sur Youtube le place immédiatement sur une échelle de diffusion
incomparable avec les exploitants traditionnels. Un effet de levier est énorme.
La projection de Walter Benjamin sublimée : l'œuvre d'art à
l'âge de sa disponibilité technique universelle.
La mini-programmation "Kitchen Cinema" n'entend pas circonscrire les
frontières esthétiques de ce vaste ensemble. Elle aborde le sujet
avec des films personnels extrêmement (et volontairement) disparates,
présentant quelques-uns des enjeux formels et conceptuels liés
à ces pratiques. Avec « Moby Dick » et « Wild Boy»,
par exemple, l'artiste d'origine israélienne Guy Ben-ner, réinterprète
des thèmes littéraires classiques, dont il cantonne décor
à son appartement et le casting à lui et son jeune fils. La force
de ses films tient à une extraordinaire intelligence créativité
dans l'utilisation d'une topographie immédiate du tournage (par exemple
la cuisine dans Moby Dick) pour illustrer de manière très convaincante
situations et événements narratifs : la cargaison du bateau dans
le congélateur ou l'implantation du mat du navire dans l'évier
constitue des tours de force intellectuels et visuels remarquables dans leur
simplicité et leur efficacité narrative. Un autre élément
fort de son cinéma réside dans l'acceptation d'un incontrôlable
à l'intérieur du cadre, avec la présence d'un enfant échappant
régulièrement au contrôle téléologique du
scénario. Cette intégration d'un naturel contingent dans l'image,
parfaitement assumée à défaut d'être volontaire,
ces d'accidents et contre-feux à la logique scénaristique, cette
intrusion permanente du réel dans le cadre, contre lequel précisément
tout le cinéma classique ne cesse de lutter, est une caractéristique
que Ben-ner partage par ailleurs avec Seng-a Yoon ou les Dein Klub. Ils ne signifient
pas un jeu ou une complaisance particulière pour le mal-fait ou le ratage,
mais plutôt une volonté de ne pas cacher les conditions de travail.
Ni revendication, ni dissimulation, mais un 'faire avec", qui relève
possiblement d'une sorte d'éthique de travail. Parions par ailleurs que
cette économie n'est pas gratuite chez Ben-ner, voire même qu'elle
sert son propos. De fait, elle crée les conditions d'une complexité
identitaire des acteurs/personnages, proposant plusieurs niveaux de lecture
au spectateur. Ainsi, dans 'Moby Dick', Ben-ner lui même apparaît
à la fois comme marin (son personnage dans le film), metteur en scène
(sa fonction professionnelle) et père de famille (sa situation réelle).
Les 3 rôles et responsabilités se mélangent de manière
encore plus subtile dans "Wild boy", lorsque Ben-ner doit éduquer
son propre fils, le film apparaît alors plutôt documentaire, ou
du moins mise en scène d'une situation réelle. Même phénomène
chez Seng-a Yoon. C'est la réalité d'une situation exceptionnelle
- un voisin plus âgé qu'elle découvre fan de la Corée,
son pays d'origine qu'elle connaît peu - qui l'amène à fictionnaliser
le réel à travers son film "De l'autre côté".
L'économie simple de la vidéo numérique est ici au service
d'une rhétorique strictement linguistique de l'image, chaque plan venant
illustrer directement la voix-off. L'efficacité de ce protocole narratif
très fonctionnel association les images aux mots n'est toutefois pas
sans apporter une tendre poésie à l'ensemble. En découle
un film simple et fort dans son humilité et son humanisme, servi par
une justesse de ton proche de la Nouvelle vague dans la façon qu'elle
avait de traiter de thèmes graves (ici la mort, la mémoire, l'identité)
à travers des comédies réalistes, faussement distanciées.
Le travail très plastique sur l'image (couleurs, cadrages, montage) est
par ailleurs certainement informé par la vidéo intimiste de ces
dix dernières années.
Dans un registre apparemment plus parodique, le collectif Dein Klub réalise
depuis cinq ans une adaptation génialement bricolée du «
Waterworld » de Kevin Costner dans leur lieu de vie. Pour ce faire, ils
invitent régulièrement des artistes à les rejoindre pour
tourner certaines scènes. S'attaquer à ce film précis est
en soi un positionnement artistique, voire une démarche d'ordre performatif
: Waterworld est à l'époque où il est sort, emblématique
d'une surenchère technique et financière d'Hollywood. A l'époque,
il est le film le plus cher jamais réalisé, un record justifié
par une volonté de porter un message écologique au plus grand
nombre. De fait, le résultat proposé par Dein Klub n'est finalement
pas très parodique, mais constitue bien plus un double instable, un passionnant
décalque du film original. Réalisé avec le même sérieux
et la même détermination que le film de Costner, et recourant comme
dans l'original à une grande ingéniosité pour résoudre
des problèmes ardus de cadrage, le résultat apparaît finalement
ni plus ni moins réussi que la version américaine. Et là
précisément réside la démonstration de Dein Klub
: leurs scènes ennuyeuses le sont certainement autant que dans l'original,
leurs scènes d'actions aussi fortes, leur scènes romantiques aussi
touchantes. La différence ? Environ 200 millions de dollars. Ce faisant,
le collectif allemand oppose au relatif échec commercial du projet original
la démonstration d'une véritable écologie de travail en
actes, qui déborde Costner sur ses propres ambitions politiques.
C'est la Paramount elle-même qui a poursuivi le jeune Chris Moukarbel
qui, s'étant procuré le script original du "World Trade Center"
d’Oliver Stone avant sa sortie, décidait de réaliser sa
propre version dans son studio d’étudiant. Là encore, il
s'agit moins de pastiche que d'une réinterprétation artistique
du film, très personnelle, impliquant ses camarades d'écoles et
un décor apocalyptique extrêmement soigné quoique simple.
Moukarbel revendique ici un positionnement politique : une critique de la réappropriation
de l’histoire par Hollywood. A priori pas de quoi affoler les puissants
studios. Voire. Le puissant studio n'a guère apprécié la
démarche, et peut-être surtout pas que le film ait pu être
considéré par la presse digne d'être comparé à
la version de Stone. Le résultat n'a pourtant pas grand chose à
voir. Du film "original" de Moukarbel, au départ diffusé
sur Youtube et pour l'instant suspendu de diffusion pour cause de procès,
l'artiste a tiré un court métrage, "Points of Departures",
à partir de rushes. Quasi-abstrait, impressionnant dans sa facture plastique,
l'oeuvre de Moukarbel laisse transparaître un aspect foncièrement
philosophique, ésotérique, contemplatif de la catastrophe, l'apparentant
plus à Tarkovski qu'à la tradition du film catastrophe .
En complément à ces films récents, l'idée de présenter l’ « Ambassade », un film de 1973 de Chris Marker, peut étonner, tant ce film n'a finalement rien à voir avec ce qui précède : ni vidéo, ni cuisine, ni relecture, ni ingéniosité du montage. Rien de tout cela, et pourtant. A partir de soit-disant bandes super 8 trouvées présentant un groupe de personnes évoluant dans un appartement bourgeois, une voix off nous raconte une très vraisemblable histoire d'intellectuels réfugiés dans une ambassade après un coup d'état militaire. La vie semble s'organiser tant bien que mal, avec ses difficultés, ses joies partagées, et surtout ses discussions animées entre idéal politique et impuissance effective. La crédibilité des problématiques évoquées et la facture très réaliste de l'image (des plans comme saisis au cœur du réel), amènent en permanence un trouble entre mise en scène et réel, documentaire et fiction. Echos d'un universel politique résonnant à l'intérieur des frontières d'un intérieur domestique. Si le dernier plan vient définitivement fictionnaliser l'ensemble, l'impact réaliste reste pénétrant. Dès lors, on pourrait statuer que Marker représente un modèle admirable d’économie narrative, d'une utilisation remarquable de l'espace quotidien, qu'il apporte un impressionnant souffle fictionnel à des d’images relativement banales et qu'en ce sens il apparaît intéressant de le confronter au "Kitchen cinéma", d'aujourd'hui, comme une sorte de paradoxal "contrepoint tutélaire". Ou bien simplement, que ce film est magnifique, ce qui suffit largement pour justifier sa projection quelque soit le prétexte...
Moby Dick ( 2000), 12’35“ min ,Israel, un film de Guy Ben-ner
Wild Boy (2004), 17 min, silent/sound (sound: mariano Weinstein))
De l’autre côté, (2005), 10’49’’, réalisation, production : Sung-A Yoon., Format : film vidéo couleur, 4/3, interprétation : Gérard Schillings, Sung-A Yoon, Justine Legros, image : Justine Legro, son : Bastien Hidalgo Ruiz, assisté de Thomas Grimm-Landsberg et Vincent Poujol, montage : Alexis Lardilleux., mixage : Olivier Touche.
“Points of departure", (2006) 13’26’’Chris Moukarbel, USA
- W O T Ø R W O E R L D (2002-2007), 15’ (Jens Hermann & Peter Haury, Dein Klub), Allemagne.
„L’Ambassade“, Chris Marker, 20’,1973
Artistes invités (sous réserve) :
- Guy Ben-ner : Né en 1969 en Israël, il vit et travaille à
New-York. Guy Ben-Ner filme sa cellule familiale avec un humour inspiré
de la grand e époque du slapstick (farce bouffonne), dressant un portrait
de l’artiste en père de famille… Dans « Moby Dick »
(2000, 12 min), il reconstitue l’épopée du livre éponyme
seul avec son fils, dans sa propre cuisine.
Yoon Sung-A : est née en 1977 en Corée du Sud. Elle vit et travaille
à Bruxelles. Sa première exposition personnelle a eu lieu en avril
2006 à l'Atelier du Jeu de Paume. Son film, De l’autre côté
(2006 / Corée du Sud / 11 min ) est une narration intime tournée
dans son immeuble autour des questions d’identité et d’altérité,
dans un ton burlesque et une esthétique proche de la nouvelle vague.
- Chris Moukarbel, (né en 1978 à New Haven, USA, vit et travaille
entre New Haven et New York). Il fait des vidéos, sculptures et installations
in-situ, utilisant souvent comme matériau des séquences extraites
de divers médias. Son film « World Trade Center 2006”, est
une adaptation du scénario du film d’Oliver Stone, tourné
dans son studio d’étudiants en école d’art, avec ses
camarades comme acteurs. Diffusé sur Youtube, ce film a reçu un
accueil extrêmement favorable, au grand dam de la Paramount, qui a poursuivi
son auteur.
Chris Marker, né en 1921, est cinéaste
Dein Klub est un collectif d'artistes basé à Stuttgart (Allemagne)